Recruter est difficile, pénurie de talents, candidats exigeants, période d’essai rompue, etc

En tant que dirigeant, êtes-vous conscient que vos décisions notamment de recrutement peuvent être influencées par des biais cognitifs ? Ces raccourcis mentaux, souvent inconscients, peuvent vous faire passer à côté d’excellents candidats ou vous faire recruter le pire et surtout vous coûtent cher.

En effet, après avoir validé les compétences opérationnelles, la décision de recruter tel ou tel candidat est trop souvent prise à l’intuition.

Si vous avez déjà parlé d’un candidat en ces termes « je l’ai bien senti ; le feeling est passé ; il m’a plu ; on a fait la même école, c’est un bon, j’ai adoré son éloquence, etc… », il y de fortes probabilités qu’un ou plusieurs biais cognitifs aient influencé votre décision.

Lorsque les enquêtes démontrent que 77 % des DRH, 64 % des managers et 63 % des recruteurs font confiance à leur intuition, l’impact des biais cognitifs ne peut pas être ignoré.[1]

[1] Baromètre « La place de l’intuition dans le recrutement » – WeSuggest-PerformanSE – 2023

1. Qu’est-ce vraiment un biais cognitif ?

Le biais cognitif est « un raccourci de pensée mentale, spontané et inconscient, qui peut nous induire en erreur dans nos prises de décision. Chaque jour, nous prenons environ 35 000 décisions en mode réflexe et de façon inconsciente. Pour la plupart des décisions, ce mode fonctionne. Mais pour des décisions stratégiques, il faut mettre en place le système analytique. »[1]

Les chercheurs ont identifié 188 biais cognitifs. 20 d’entre eux sont particulièrement récurrents dans le recrutement.

[1] Définition de Marie-Sophie Zambeaux

    2. Les principaux biais cognitifs à connaître en recrutement

    3 grands groupes de biais, ceux :

    • qui impactent notre capacité à raisonner de façon rationnelle,
    • liés à notre appartenance qui influencent notre comportement et nos décisions subjectivement.
    • liés à la mémoire qui perturbent notre capacité à nous souvenir des événements, à omettre certains détails, à exagérer d’autres, voire à créer de faux souvenirs.

    2.1 Les biais de raisonnement :

    • Le biais de confirmation :  rechercher ou privilégier les informations confirmant nos idées préconçues (croyances) ou nos hypothèses, que ces dernières soient vraies ou non. 

     En recrutement : ignorer des signaux d’alerte ou  rejeter un candidat qui possède les compétences et le potentiel nécessaire.

    • effet de surconfiance :  le fait que les personnes moins compétentes ont tendance à surestimer leurs capacités tandis que les personnes les plus compétentes ont, quant à elles, tendance à sous-estimer leurs capacités.
      En recrutement :  privilégier les candidats les plus sûrs d’eux
    • L’effet d’ancrage :  s’appuyer sur la première information (perçue comme positive ou négative) qu’ils reçoivent qui va servir de cadre de référence.
      En recrutement Il est alors extrêmement difficile de s’en défaire, même face à des informations nouvelles ou contradictoires.
    • Le biais de l’escalade de l’engagement :  s’engager de manière croissante dans une décision ou une action, même lorsqu’il devient évident que celle-ci est inefficace ou contre-productive ».
      En recrutement:  risque de se retrouver piégés à poursuivre un processus avec un candidat inadéquat, voire à l’embaucher. Le fameux « je le savais, j’aurais dû dire NON ou j’aurais dû choisir tel autre candidat » 
    • L’effet d’autruche :  ignorer des potentiels signaux d’alerte concernant un candidat pour se concentrer sur les aspects positifs de son profil.

    En recrutement« cela peut mener à l’embauche de personnes inadaptées au poste. »

    2.2 Les biais de groupe 

    • l’ensemble de ses caractéristiques.  Exemple d’un biais suite à un comportement : un candidat arrive en retard à l’entretien, l’effet de halo est de penser que ce n’est pas une personne ponctuelle, fiable, investie.

    Exemple de biais lié à une caractéristique : Les personnes de 50 ans et plus ne connaissent pas les outils de l’IA et savent encore moins les utiliser.
    En recrutement: outre le risque d’une décision prise sur un critère discriminatoire, cela « biaise les évaluations et conduit à des décisions erronées manquant cruellement d’objectivité. »

    • biais d’affinité : favoriser, consciemment ou inconsciemment, des profils qui vous ressemblent – même cursus scolaire, loisirs communs…

    En recrutement« Se priver ainsi des atouts de la diversité, de profils plus adaptés à la culture de l’entreprise »

    • Le biais d’attribution : généraliser des comportements observés lors d’un entretien à des traits de personnalité stables plutôt qu’à des circonstances particulières, il peut sous-estimer ou surestimer les compétences réelles des candidats et prendre, basées sur des perceptions erronées, des décisions inadéquates. »
    • Le biais de l’angle mort :  reconnaître les biais cognitifs chez les autres, mais pas chez eux-mêmes. […]
      En recrutement« cela peut conduire les recruteurs à surévaluer leur propre objectivité et à croire qu’ils évaluent les candidats sans être influencés par des stéréotypes ou des impressions initiales. »
    • Le biais d’excès de cohérence :  face à des informations insuffisantes ou non fiables, le fait de  construire une histoire cohérente et logique pour combler les lacunes.
      En recrutement« Ce biais accentue fortement l’influence de la première impression et limite l’impact des informations qui la contredisent. »

    2.3 Les biais de mémoire :

    • L’effet de primauté : « se souvenir des premières impressions liées à un candidat (allure, vêtements, posture, sourire, poignée de main). »
      En recrutement: cela peut conduire à choisir des candidats « simplement parce qu’ils ont fait une meilleure première impression » ou « à avantager le premier bon candidat rencontré uniquement parce qu’il se souvient mieux de lui. »
    • L’effet de récence : « donner plus d’importance aux informations présentées en dernier et privilégiera le dernier candidat rencontré car il s’en rappelle tout simplement mieux. »

      3. La solution : structurer votre processus de recrutement

      Pour lutter contre ces biais, il est crucial de structurer votre processus de recrutement[1]

      Voici comment :

      1. Élaborez une grille de recrutement basée sur le profil de poste : créez un document détaillé listant les compétences techniques (hard skills) et comportementales (soft skills) requises pour le poste. Vous pouvez y ajouter des pondérations. Cette grille servira de référence objective tout au long du processus.
      2. Standardisez vos entretiens : utilisez des questions prédéfinies pour tous les candidats. L’entretien structuré est deux fois plus fiable que l’entretien non structuré pour prédire la réussite future d’un candidat.
      3. Utilisez des tests de compétences objectifs : mettez en place des évaluations pratiques liées aux tâches réelles du poste pour les postes techniques par exemple.
      4. Impliquez plusieurs personnes dans le processus : faites participer différents collaborateurs aux entretiens pour obtenir des points de vue variés. 25 %, c’est le taux de désaccord entre deux recruteurs lorsqu’ils évaluent ensemble deux candidats en entretien.[2]
      5. Fixez des critères d’évaluation clairs : établissez une échelle d’évaluation standardisée pour chaque compétence recherchée.

      En mettant en place ces pratiques, vous transformerez une décision complexe en une série de jugements simples, fondés sur des critères objectifs et partagés. Vous augmenterez ainsi vos chances de recruter les meilleurs talents, indépendamment de vos affinités personnelles, et contribuerez à la diversité et à l’innovation au sein de votre entreprise.

      Rappelez-vous : un processus de recrutement bien structuré est votre meilleur allié contre les biais cognitifs. Il vous permettra de prendre des décisions plus éclairées et équitables, essentielles pour la croissance de votre entreprise.

      [1] Etude « Revisiting Meta-Analytic Estimates of Validity in Personnel Selection Addressing Systematic Overcorrection for Restriction of Range » – Sackett, P. R., Zhang, C., Berry, C. M., & Lievens, F.| Journal of Applied Psychology

      [2] Noise : Pourquoi nous faisons des erreurs de jugement et comment les éviter (Daniel Kahneman, Olivier Sibony et Cass R. Sunstein)

      0 commentaires

      Soumettre un commentaire

      Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *